27 Octobre 2001 - TELEVISION
Fanny girl Ardente diva Comédienne fine et sensible, diva kitsch, Fanny Ardant a tout essayé, du cinéma d'auteur tragique à la comédie boulevardière. Cédant parfois à la facilité, elle y a un peu perdu au change. La Femme d'à côté. Arte, 20 h 45. Simulatrice maniérée, grande dame ou vraie star ? On ne sait jamais trop sur quel pied danser avec Fanny Ardant. Tantôt elle émeut quand elle se jette à corps perdu dans les affres de la passion (la Femme d'à côté, Australia), tantôt elle joue la diva éthérée ou mystérieuse (les Enragés, le Paltoquet, Amok). D'autres fois, elle prend des distances par rapport à cette image précieuse et cède aux sirènes du second degré avec un grand sens de l'autodérision (Vivement dimanche !, Pédale douce, Ridicule). Alors, tragédienne ou rigolote ? Les deux, mon général. Grande, brune, elle a les traits typés d'une vedette italienne d'antan mais affecte un semblant d'accent anglais. Elle en joue et s'en joue. La carrière de Fanny Ardant se ressent de son ambivalence permanente. Elle est rarement où on l'attend. Que fait-elle dans d'obscurs films italiens comme Desiderio, l'Altra enigma, Crepacuore, ou britanniques (Double Vue), ou même hongrois (Siodmy Pokoj) ? Ne sert-elle que d'alibi à d'improbables coproductions européennes ? La liste est longue des films où Fanny Ardant est allée s'égarer dans les années quatre-vingt-dix, après avoir débuté de façon exemplaire sous la houlette de François Truffaut, qui avait su déceler dans la débutante un rien guindée, ex-élève de Sciences-po, le grain de folie qui a donné du piquant à la Femme d'à côté, poignant mélo, et Vivement dimanche !, comédie policière où le cinéaste revisite sa carrière. Durant cette période, Fanny ne fréquente que le cinéma d'auteur ambitieux, avec l'étrange la Vie est un roman et l'intense l'Amour à mort, d'Alain Resnais, ou bien l'élégiaque Benvenuta, où elle incarne une pianiste de légende... Ensuite, son parcours devient plus chaotique. Fanny Ardant atteint une stature internationale mais reste paradoxalement assez effacée, avec des prestations honorables, sans plus (dans la Famille, les Trois Sours). Elle s'essaie aussi à la comédie " d'auteur ", c'est-à-dire un brin chicos (le Paltoquet ou Conseil de famille, où elle est l'épouse de Johnny Hallyday). Mais cela ne convainc guère. En dehors de Mélo, splendide adaptation par Resnais d'une pièce années trente d'Henry Bernstein, l'actrice passe inaperçue dans des films boudés par le public et la critique. Certes, il y a le Colonel Chabert, drame napoléonien soigné où elle retrouve Depardieu, son partenaire de la Femme d'à côté (titre quasi homonyme de la série télé les Dames de la côte qui la fit connaître), mais, dans l'ensemble, c'est le calme plat. Alors Fanny Ardant préfère retourner sur les planches. Par exemple dans Master classes, mis en scène par Roman Polanski, où elle joue la Callas. Pas étonnant donc que lorsque Franco Zeffirelli tourne une biographie filmée de la diva grecque, intitulée Callas Forever, il fait appel à Fanny Ardant. Elle devrait être parfaite dans le rôle, à condition qu'elle latinise (ou " grécise ") son accent. Mais n'anticipons pas, le film n'est pas encore terminé... On finira en remarquant qu'il est assez rageant que Fanny Ardant n'ait été reconnue à sa juste valeur que pour son rôle de tenancière de restaurant gay dans Pédale douce, grasse comédie boulevardière qui lui a valu son unique césar. Fanny Ardant n'est certes pas à plaindre, mais on peut déplorer qu'en se cantonnant à un cinéma moyen et confortable, elle ait un peu perdu de sa superbe. Mais cette attitude n'est-elle pas en accord avec la tendance actuelle du cinéma français, qui se vend mieux depuis qu'il ne s'embarrasse plus trop de finesses ? Vincent Ostria