Texte d'ouverture des Césars 2004
Bonsoir... Bonsoir,
En avoir ou pas... un césar... On pourrait résumer
d'une façon abrupte cette cérémonie. Mais il y a des
nuances, des détails qui font tout le charme et la
diversité de cette soirée. Par exemple prenons la
joie, la joie d'avoir un césar. Il y a différentes
sortes de joie : il y a la joie phénoménale, parce
qu'on l'attendait, on l'attendait depuis des années,
on y rêvait. Et puis il y a la joie légère comme du
champagne, parce que justement, on l'attendait pas, on
pense que d'autres le méritait d'avantage. Et puis y a
la joie sombre et romantique, de ne pas avoir de
césars justement, parce que, comme ça, on va pouvoir
continuer à y rêver. Et puis il y a le chagrin, mais
là aussi il y a différentes sortes de chagrins. Y a le
chagrin dévastateur parce que personne vous aime, on
croit que personne ne vous a jamais aimé. Il y a le
chagrin, comment dire, la aussi désabusé, "dommage,
ils n'ont rien compris". Et puis il y a le chagrin
constructif : " Vous verrez l'année prochaine, vous
allez voir ça". Parce qu'au fond, ici, tout est
question d'espoir, le désir de continuer, de continuer
de faire ce métier. Le vrai chagrin, c'est de ne pas
jouer, de ne pas écrire, de ne pas mettre en scène, de
ne pas illuminer, de ne pas composer, de ne pas
habiller, décorer, et la vraie joie c'est de faire ce
qu'on aime, d'y croire, d'aller jusqu'au bout d'un
rêve. Alors, le chagrin ou la joie pour une récompense
qu'on a eu ou pas sont éphémère, ce qui reste c'est
d'avoir vécu, chacun de nous, pour ce qu'on aimait
vraiment malgré tout. Et ce qui reste c'est notre
tentative d'avoir créer un monde ou on pouvait parler
aux diables, aux dieux. Un monde ou on pouvait espérer
réconcilier, un monde ou on pouvait dénoncer ou
glorifier, rire ou pleurer, et ou, malgré les menaces
d'être englouti par d'autres intérêts. La chose la
plus importante de notre monde, de notre petit monde,
c'est de faire bouger le plus grand monde, et de lui
donner envie de vivre. Voilà, je déclare ouverte la
29ème nuit des Césars.
Fanny Ardant 21 février 2004 au théâtre du châtelet